Boomerang by Tatiana de Rosnay

Boomerang by Tatiana de Rosnay

Auteur:Tatiana de Rosnay [Rosnay, Tatiana de]
La langue: fra
Format: epub, mobi
ISBN: 9782350871066
Google: tXxmPgAACAAJ
Éditeur: H. d'Ormesson
Publié: 2009-02-14T23:00:00+00:00


Une pensée me terrifie. Astrid n’est pas là. Astrid est loin, tu vas devoir te débrouiller tout seul, toi le père, toi le papa. Celui à qui sa fille a à peine adressé la parole le mois dernier, qu’elle ne « calcule » même pas.

Je ne sens pas le froid. Je cours aussi vite que je peux, mes jambes pèsent des tonnes. Mes poumons de fumeur souffrent. Port-Royal est à vingt minutes. Quand j’arrive devant le lycée, je croise des groupes d’adolescents et d’adultes aux yeux rouges. Je finis par voir Margaux. Son visage est ravagé. Les gens font la queue pour la prendre dans leurs bras, pour pleurer avec elle. Pauline était sa meilleure amie. Elles étaient ensemble en cours depuis la maternelle. Depuis plus de dix ans. Dix sur quatorze ans de vie. Deux professeurs que je connais passent près de moi. Je marmonne un bonjour et fends la foule pour atteindre ma fille. Arrivé près d’elle, je la serre contre moi. Elle est si frêle, si fragile. Je ne l’ai pas serrée comme ça depuis longtemps.

— Que veux-tu faire ? dis-je.

— Je veux rentrer à la maison.

J’imagine que, vu les circonstances, les cours ont dû être suspendus pour la journée. Il est quatre heures et le jour commence déjà à baisser. Elle dit au revoir à ses amis et nous remontons péniblement le boulevard de l’Observatoire. La circulation est bruyante, ça klaxonne, les moteurs grondent, mais entre nous, il n’y a que du silence. Que puis-je lui dire ? Les mots ne sortent pas. Je ne peux que passer mon bras autour d’elle et la serrer contre moi. Elle est chargée de tas de sacs. J’essaie de la soulager en en prenant un, mais elle proteste avec vigueur : « Non ! » et m’en tend un autre. Celui-là, je le reconnais, c’est son vieux Eastpak. Elle s’accroche à l’autre comme à sa propre vie. Ce doit être celui de Pauline.

Nous dépassons Saint-Vincent-de-Paul, l’hôpital où sont nés mes enfants. Et Pauline aussi. C’est comme ça que nous avons rencontré Patrick et Suzanne, puisque les filles ont deux jours d’écart. Astrid et Suzanne étaient dans la même aile. La première fois que j’ai posé les yeux sur Pauline, c’était dans cet hôpital, dans le petit berceau de plastique qui jouxtait celui de ma fille.

Pauline est morte. Je ne réalise pas encore. Les mots n’ont aucun sens. Je veux en être sûr, bombarder Margaux de questions, mais son visage hagard me freine. Nous continuons à marcher. La nuit tombe. Il fait froid. Le chemin du retour est interminable. J’aperçois enfin l’énorme croupe de bronze du lion de Denfert-Rochereau. Nous ne sommes plus qu’à quelques minutes.

En entrant dans l’appartement, je prépare du thé. Margaux s’est assise sur le canapé, le sac de Pauline posé sur les cuisses. Quand elle lève les yeux vers moi, alors que j’arrive avec le thé sur un plateau, je trouve le visage dur et fermé d’une adulte. Je pose le plateau sur la table basse, lui sers une tasse, avec du lait et du sucre.



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